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France | Edition 2019 /

Utilitaire Disk

© Ben Pi

La mélomanie est une maladie compulsive, un amour passionnel et est donc forcément excessif en bien des points. Sa traduction la plus symptomatique: la « collectionnite ».

Obligé par cette activité trentenaire, que nos cousins Anglais appellent le Digging, il m’a semblé qu’il était temps d’ouvrir ma boite de Pandore, cette collection de disques pour la plupart vinyles, qui est une sorte de photographie de ce savoir musical empirique construit années après années. Ainsi est né « Utilitaire Disk », mon double savant-collectionneur de sons enregistrés.

La frénésie de ma consommation musicale (appelons un chat…) m’a emmené à collectionner quasiment tous les supports musicaux et utiliser tous les systèmes de partage possibles de cette musique. « Utilitaire Disk » a pour objet aujourd’hui, de rendre un petit peu de ce que j’ai appris, de ce que j’ai pillé, de ce que j’ai exploité et le plus souvent transmis à travers mon intense activité dans la musique live.

Pourquoi « Utilitaire Disk »? Car je suis de cette génération pré-millenium qui a grandit dans le progrès technique constant de l’informatique et vécu/subit ses nombreuses mutations notamment au niveaux supports d’enregistrement. Il y est bien sûr fait référence à ces ancestraux ordinateurs qui nécessitaient un disque de lancement et de formatage du même nom. Mais il s’agit avant tout ici d’un projet de Sound Selector qui complète ma frustration de ne pas voir en live les musiques que j’écoute le plus: Ces musiques qui occupent notre espace sonore quotidien avec parfois des fonctions cachées et utilitaire, un rôle rituel, voire génère une servitude volontaire… Ces musiques qui témoignent d’un moment de vie, s’inscrivent dans une histoire, une époque, et surtout nourrissent l’imaginaire.

Avec « Utilitaire Disk » il est question de raconter une histoire, d’accompagner des moments de vie. En 1920 un certain Georges Squier dépose le brevet de « musique d’ambiance », la Muzak (mot valise qui contracte musique et Kodak) qui nait alors, a pour objet d’accompagner l’être humain dans ses activités quotidiennes. L’usage le plus connu est la bande-son, le score, qui accompagne le cinéma créant une histoire sur l’histoire. La plus iconique est « La musique d’ascenseur » dont la mièvrerie donne de l’urticaire aux plus pointus des mélomanes, et qui avait pour fonction de rassurer les occupants des ascenseurs agissant comme une médiateur d’émotion face à leur peur du vide ou de l’enfermement… en quelque sorte fonctionnellement rassurait ses occupants.

Les déclinaisons de ce qu’on a conceptualisé alors comme la Musique Utilitaire ont été innombrables (accompagner les repas, accélérer les cadences de production dans les usines, agrémenter des espaces physiques…). Ces « Musiques Utilitaires » ont fait l’objet de multiples traitements et développements scientifiques, ethnologiques, technologiques qui semblent souvent à l’opposé de leur apparente simplicité et accessibilité. Fondamentalement l’essence de la musique a toujours été d’accompagner l’être humain dans les étapes de la vie (musique de danse, musique cérémonielle ou rituelle…), de raconter une histoire, formuler un exotisme, faire vivre l’inconnu…